lundi 30 mars 2015

De l'art de faire sa valise

Chère Laurence,

À l'heure où tu lis ces mots, je suis probablement en train de mener la belle vie dans les rues de New York.
À l'heure où je les écris, par contre, je suis sur le point de mettre la touche finale à ma valise.

Pour moi, faire sa valise, ça fait intégralement partie des vacances. J'adore ça. Oui, je sais, je dois sûrement être la seule...
Mais le truc, c'est qu'on se projette déjà dans l'univers de nos vacances, et tout le plaisir est dans l'anticipation.

On n'oublie rien, de rien...

On va faire rentrer tout ça dans un bagage en soute et un bagage à main...
En préparation à mes valises, je fais parfois des listes, surtout pour les trucs que j'ai peur d'oublier parce qu'ils ne sont pas forcément posés en évidence (c'est à dire : le passeport, le chargeur du téléphone, mon carnet de voyage, mes chaussures de sport...) mais, en règle général, je gère désormais suffisamment bien pour m'en passer.
Histoire d'être efficace et de ne rien oublier, je fais tout simplement le tour de ma chambre (et de la salle de bain), et j'empile les choses à emmener sur mon lit. Rien de plus facile.
Je compte le nombre de types de vêtements à emmener (pour les culottes et les chaussettes, la formule n = nombre de jours passés sur place x 1,2 - arrondit à l'entier supérieur - ne m'a jamais fait défaut), et c'est parti.

L'empaquetage

Mission accomplie !
Le truc bien avec ma technique de tout mettre sur le lit d'abord, c'est qu'ensuite on peut empaqueter ra-tio-nel-le-ment. Quiconque a jamais joué à tetris peut faire rentrer ses affaires dans sa valise. Mais c'est plus pratique si on sait à l'avances quelles sont les briques qui vont tomber.
Du coup, on met les gros trucs encombrants au fond, on rempli les trous avec des petits vêtements et on fini par les items qui doivent être bien à plat (comme les jeans et les chemises) sur le dessus. Fastoche !

Le bagage à main

Le contenu de mon sac à main
Le secret du bagage à main, c'est de l'empaqueter comme si on partait en week-end. J'y mets a minima des vêtements pour deux jours et mon pyjama. Comme ça, si ton bagage en soute s'égare, tu n'as pas à passer ton temps à l'attendre dans tes habits de la veille... 

Pour mon sac à main, je garde le strict nécessaire (d'ailleurs, pour ce voyage-ci, je prends mon petit sac à main bleu pour être sûre de ne pas me laisser emporter à l'idée de prendre trois bouquins de plus...).
Dans l'image ci-dessus, tu peux voir que j'emporte :
  • De la lecture (bien entendu !)
  • Mon carnet et des stylos
  • Téléphone, écouteurs et chargeur
  • Passeport et portefeuille
  • Mon étui à lunette avec de quoi enlever mes lentilles au cas où
Gros fail par contre : j'ai oublié d'acheter un adaptateur pour les prises US... Il ne faut pas que j'oublie d'en prendre un à l'aéroport !

Pour les habits, j'essaie de mettre les plus confortables que je possède (mais qui soient portables en public), en particulier si c'est pour un vol de nuit. En plus, j'ai toujours une longue écharpe qui peut me servir de coussin ou de plaid au besoin.

Voilà, je t'ai tout raconté !
Je ne sais pas si j'aurais le temps de t'écrire plus avant pendant les deux prochaines semaines, mais j'essaierais de te donner des nouvelles très vites !

- Aurélie

jeudi 26 mars 2015

L'apologie du pilates

Hey charmante Aurélie,

alors que ce mois de mars s'étend sans fin sous la pluie, il est mon tour de te raconter comment je vais, ce qu'il se passe, tout ça.

Et j'ai choisi, maintenant, de te narrer ce cruel sévice que j'inflige le plus volontiers du monde à mes petits muscles, de manière bi-hebdomadaire, j'ai nommé le pilates.

Position Pilates admise pour regarder la télé.

Je suis loin d'être aussi sportive que toi, et j'admire de tout mon coeur tes audaces comme l'aviron et la plongée (je sais que je n'ai pas la résistance pour), mon histoire personnelle inclut une phobie des sports collectifs, et globalement une image de mon corps passablement mauvaise.
Le regard des autres, c'est compliqué.

Donc, lorsqu'il a fallu redonner forme à ma santé (et nous y sommes tous contraints un jour, car la vie moderne et son cortège de canapés et de fauteuils nous ruine peu à peu), j'ai essayé de trouver un sport qui ne me mettrait pas trop en danger psychologiquement.
Et j'ai choisi le pilates.

Qu'est-ce que c'est ?
Du renforcement musculaire "intelligent", à la croisée du yoga et de la barre au sol, dont l'objectif premier et de ranimer les muscles profonds du centre du corps, et les muscles posturaux. On dit traditionnellement que le pilates a une influence positive sur les maux de dos et le maintien.
Les bases de ce sport incluent des exercices musculaires lents, avec une attention particlière portée à la respiration et aux transitions de mouvements en mouvements. L'objectif est d'atteindre une bonne maîtrise de son corps.

Est-ce que c'est bien ?
Les premiers courts sont... déroutants.
Parce qu'entraîner des muscles qui ne l'ont jamais été est très dur au début, et que les exercices sont douloureux. En plus, on commence avec un groupe d'habitués, qu'on voit tenir des postures que notre corps n'accepte que pour 10 secondes. Heureusement, le prof insiste : en fonction de sa condition physique, chacun est différent, et réussit plus ou moins certaines positions. C'est sur la durée que les effets se font sentir et qu'on s'améliore.
Au niveau timidité, c'est supportable, parce que tout le monde souffre tellement à tenir ses positions qu'il n'est pas question de s'arrêter mater les fessiers du voisin, et ça aussi, ça me fait du bien.
J'avoue aussi que la playlist de chansons Rn'B ultra moelleuses est pour quelque chose dans mon engouement. J'aurais jamais cru connaître If I were a boy de Beyoncé par coeur, par exemple...

 Et pour quel résultat ?
On voit le résultat, c'est certain, en étant progressivement plus droit, plus gracieux, et en améliorant son équilibre de manière notable.Maintenant, je sens quand je me tiens mal, et j'arrive (de temps en temps) à corriger. L'autre côté marrant, c'est que je sais immédiatement, quand je vois la démarche des gens dans la rue, s'ils ont quelques muscles de soutien trop peu exercés, et que je suis parfois à même de dire lesquels.
En plus, la rigueur chorégraphiée du pilates me donne peu à peu des sensations de contrôle qui m'entraînent vers la danse.

Tu l'as vu, le pilates, c'est beaucoup d'efforts, mais c'est aussi plein de résultats : je continue donc avec constance mes exercices.

lundi 23 mars 2015

Le meilleur clip du monde

Chère Laurence,

Ce billet sera court.
La semaine dernière, j'ai re-regardé Promoción fantasma (Tu te rappelles ? Ce film espagnol fantastique avec une promo d'ados fantômes ?).
Et depuis, j'ai cette chanson en boucle dans la tête.
Et il s'avère qu'elle a le meilleur-pire clip de tous les temps.



Voilà, c'est cadeau.
Bon début de semaine !

- Aurélie


vendredi 20 mars 2015

Déco, Zombies et course à pieds

Chère Laurence,

J'espère que tu voudras bien excuser mon silence de ces derniers temps. J'ai été malade, fatiguée, et - comme tu l'auras adroitement deviné - je croule sous le travail, aussi bien à la bibliothèque qu'à la maison. Heureusement, dans dix jours je pars en vacances à New York ! Mais j'aurais l'occasion de t'en reparler...

Du coup, j'ai pas mal de truc à te raconter, et comme j'ai encore du mal à me concentrer, ça va être un post en vrac.

J'ai une piste, peut-être, pour déménager à l'automne. Une de mes collègues s'en va et elle habite un studio pas trop cher (enfin, aussi peu cher qu'on puisse trouver à Londres... mais quand même : une perle rare !) dont je suis déjà tombée amoureuse alors que je n'en connais que l'adresse (près de mon boulot !) et la façade (en briques presque brunes). Du coup, il occupe mes rêves et mes tableaux Pinterest se remplissent d'idées déco et de conseils pour l'aménagement de petits espaces. Apparemment, le style qui me plaît s'appelle shabby chic. Comme quoi, il y a un nom pour tout.

Mais bon, si jamais je déménage, ça ne sera pas avant octobre et j'ai encore de longs mois à passer dans ma coloc actuelle. Alors je respire un grand coup et j'essaie de n'étrangler personne quand je m'aperçois qu'on est encore à cours de papier toilette ou que quelqu'un a utilisé mon dentifrice (en appuyant au milieu : le monstre !).
Et j'ai décidé de mettre en application mes idées déco dans ma chambre. J'ai donc réorganisé mes bouquins par couleur (so 2013, je sais...), j'ai acheté un cadre pour un poster qui traînait sur mon piano depuis des lustres, un abat-jour en osier (ça faisait un an que l'ampoule du plafonnier pendait toute nue au bout de son fil...) et j'ai pris une plante (souhaite-lui bonne chance : je n'ai pas la main verte !).


J'ai aussi décidé de profiter au maximum des bons côtés de mon logement actuel. Par exemple, de savoir que je ne suis pas seule dans la maison quand je me réveille en sursaut à trois heures du matin. Ou du parc tout proche dans lequel je peux aller courir.
Car je me suis remise à la course à pieds.
Et ça, c'est grâce à l'auteure du lien dont je te parlais au début de ce post-ci. Elle a créé une application qui semble avoir été inventée pour moi : Zombies, Run! On lance l'application et on plonge dans une histoire immersive où, en tant que "runner five" pour la petite ville d'Abel où sont réunis quelques survivants de l'apocalypse, on doit accomplir des missions pour récupérer divers items utiles... en évitant les zombies ! Le programme alterne narration (très bien faite, avec des acteurs top) et musique piochée sur ton téléphone. C'est super motivant (on veut connaître la suite !) et c'est juste ce qui me fallait pour m'y remettre.
Prochain objectif : effectuer une mission en courant dans Central Park...

Sur ce, je te laisse, il faut que je retourne travailler.
Passe un bon week-end !

- Aurélie


mardi 17 mars 2015

Lien : Des peurs et des dessins

Chère Aurélie,

ce jour je suis brumeuse, avec plein de choses à faire qui s'entrechoquent, d'impossibilités de planning et d'organisation qui prend l'eau.

Mais il est possible de faire des sentiments les plus négatifs des prouesses artistiques, regarde, c'est ce que fait l'illustratrice Fran Krause avec le Tumblr Deep Dark Fears :




Sur ce Tumblr participatif, tu peux décrire les plus bizarres et les plus surréalistes de tes craintes secrètes; et Fran Krause, avec crayon et pinceaux, leur donnera une existence graphique.

Une belle manière de se rappeler que notre esprit est prodigue en fantasmes étranges, et d'accompagnerun instant une humeur nuageuse.

jeudi 12 mars 2015

Une histoire de voitures fantômes

Hello ma chère Aurélie,

Tu l'as peut-être remarqué, cette semaine, je suis un peu fatiguée, et je me sens sous l'eau à tous les niveaux. On est jeudi, il me reste deux jours à tenir avant de disparaître dans la mollesse bienfaisante de mon canapé et essayer de me retaper un brin.

Je suis donc en panne d'articles stratosphériques pour cette semaine, mais à la place j'ai eu envie de te raconter une histoire.

Il y a un mois tout pile, la presse française et internationale bruissait d'étranges échos.
Les journalistes spécialisés frétillaient d'émoi, les amateurs pâlissaient d'excitation anticipée, on préparait des interviews dans tous les médiums possibles : c'est qu'il est rare, très rare qu'un événement d'une telle ampleur se produise.
Mais de quel événement déjà glissé dans les failles de l'oubli journalistique s'agit-il ?

Il y a un mois tout pile, on vendait à Paris, aux enchères, la très fantomatique et légendaire collection Baillon. Cette soixantaine de voitures anciennes, couvrant 60 ans d'histoire automobile, a généré les fantasmes frénétiques de milliers d'amateurs autour du monde; par la rareté et l'état épouvantable des véhicules présentés, autant que par la folle rumeur qui les entourait.

Afin de mieux te faire comprendre la poésie bizarre de cet événement, il me faut revenir à la chronologie des faits, et justifier ainsi mes nombreuses heures tardives de lecture (ce fut une semaine d'insomnies). Et oui, ce sera romancé un petit peu, parce que j'aime mieux.

A l'automne 2014, selon les organisateurs de cette stupéfiante vente aux enchères, une famille contacte une très grosse maison de ventes, en leur parlant d'une Ferrari 250 California dormant dans les dépendances oubliées d'une propriété de province. Les récents héritiers souhaitent s'en défaire.
Devant l'extrême rareté de l'engin (on parle de 37 exemplaires réalisés), un spécialiste automobile est aussitôt dépêché sur place, et, dans la froidure d'un matin d'octobre, une porte de garage s'ouvre devant ses chaussures de villes souillées par la rosée (enfin c'est comme cela que je l'imagine).
A l'intérieur, deux véhicules dorment depuis des années dans la poussière : à droite une Maserati d'un noir tirant sur le gris, et à gauche, recouverte par un lourd fatras de journaux, de toiles et de vieux matelas, la California.
L'expert s'approche, car il a une idée derrière la tête.
Il sait bien qu'il y a cette légende de California fantôme, perdue après son passage entre les mains de Delon, dans les années 60. Et Si ?

Les cartons sont déblayés, et il se glisse à l'intérieur du véhicule, qui n'est pas fermé.
L'intérieur est suffocant de poussière, et sent les cuirs en déréliction, le fauteuil du conducteur s'affaisse mollement quand il s'y assoit. En face de lui, à travers le pare-brise, le jardin s'éveille doucement. Sous ses souliers, la paillasse où aucun pied ne s'est posé depuis 40 ans. Machinalement, comme chez lui, il passe la main dessous, et en retire un vieux jeu de clés, qui attendait là depuis tout ce temps.
Comme la carte grise au papier jauni qu'il trouvera ensuite, comme ces gants de conduite desséchés dans la portière avant.

Il est pensif, notre spécialiste. Il est peut-être même un peu amoureux du beau véhicule, et de ce moment volé au passé qu'il vient de vivre. A moins qu'il ne pense au profit qu'il va faire avec cette superbe mécanique qui ressemble tellement à...
Au repas donné par les héritiers, une fois retourné dans la maison de maître, il boit son vin et négocie le contrat, enchanté. La visite tient ses promesses, et il connaît bien des acheteurs possibles.
Et là, entre le fromage et le dessert (on dit toujours cela, n'est-ce-pas ? Mais cette fois, c'était bien juste après un mémorable chèvre local, je le décide ainsi), les deux quadragénaires récemment héritiers se regardent entre eux un instant, avant de lui confier : "Vous avez aimé ce que vous avez vu ce matin ? Parce que si c'est le cas, nous avons encore beaucoup, beaucoup de choses à vous montrer."

L'après-midi, donc, les voilà dans le dédale de cahutes de tôles qui parsèment le domaine, à slalomer entre les carcasses rouillées de véhicules décomposés, dont on devine qu'ils ont été -mais c'était il y a si longtemps - amoureusement choisis, et présentés.
La scène est hystérique, digne d'un film.
L'agent de la maison de ventes court de véhicule en véhicule : leur état est pitoyable, scandaleux, insupportable, mais il les reconnaît tous : ici cette ruine croûlant sous le lierre c'est un coupé des années 20, là cette bouillie réduite à des viscères orangés une exceptionnelle Talbo Lagot carrossée par Saoutchik, plus loin encore des Hispano-Suiza, des Delahaye, des Facel Vega...
Toutes pourrissant sans fin et dans le calme de ce cimetière oublié.

Que faire ?
Le spécialiste réfléchit. Ruinées, mais mythiques. Avec le prix fou, la véritable bulle, que vit en ce moment le marché de l'automobile ancienne, on peut tenter quelque chose malgré tout.
Et il y a cette Ferrari, autour de laquelle on peut faire monter les enchères.
Il faut une bonne communication, et la meilleure mise en scène possible.

Le barnum commence à la fin de l'automne 2014.
On rameute le journal américain spécialiste de vieilles voitures (car c'est au loin que sont les fortunes, et sur la Côte Ouest, on s'écharpe chaque année pour l'honneur du Prix d'Elégance automobile de Pebble Beach, où figurent des modèles similaires en prestige aux ruines Baillon), on fait la plus poétique des vidéos...



Pour mieux allécher les amateurs, les scènes de découverte de la collection sont reconstituées et filmées, des documents familiaux exhumés.
Le public, médusé, découvre peu à peu la légende de cette collection morte : fruit de la passion pour les voitures de l'entrepreneur Roger Baillon, propriétaire d'une société de transport, qui rêvait d'ouvrir un grand musée d'histoire automobile.
Malheureusement, son entreprise fait faillite en 1978, et les modèles rassemblés, intégrés aux actifs de l'entreprise, sont menacés de saisie. Deux ventes ont bel et bien lieu en 1978 et 1985, ne laissant plus sous les abris que 80 véhicules.
C'est à partir de là que les voitures se dégradent : sans destin vers un futur musée désormais impossible, menacées de saisie, elles restent abandonnées, et se font oublier.
Roger Baillon meurt en 1996, et son fils Jacques, en 2012, à peine sorti de la longue procédure de succession, tente de les préserver en les offrant à une association locale. Il décède malheureusement avant que le moindre papier soit signé.
Et c'est alors que ses héritiers cherchent une issue pour cet encombrant vestige, qui occupe une large virgule de terrain sur la propriété des Baillon.

Du côté de la maison de ventes, la communication marche admirablement.
Tout le petit monde de la collection est sur les dents : tout d'abord, il y a cette fascination moderne pour les ruines du monde occidental, cette poésie de la déroute, qui enjolive la réalité, et ensuite, l'admiration des collectionneurs pour la "sortie de grange", lorsqu'un véhicule oublié est mis au jour. A ce titre, le fonds Baillon est l'une des plus importantes de l'histoire de l'automobile; mais la plus pitoyable aussi.
Les fanatiques hésitent entre excitation et dégoût : jamais encore on ne leur a proposé des ventes dans un tel état, et ils regardent fascinés ces chefs d’œuvres irrattrapables, réduits à l'état de dentelle de rouille.

Mais cependant, à l'occasion de Rétromobile, l'exposition est grandiose.
Ils sont tous là, excités, fascinés comme le papillon par la flamme, le cœur lourd d'appréhension devant les beaux écorchés automobiles. S'ils ne peuvent s'en offrir une, ils sont là pour voir, pour sentir, pour témoigner de la mortalité des arts. 
C'est un crève-cœur de carcasses plus belles et plus fantomatiques les unes que les autres. Pour souligner cette beauté tragique, on a choisi de tendre les murs de voiles noirs, de réduire la lumière à quelques spots soulignant la courbe d'une carrosserie, la sophistication d'une silhouette, et essayant d'atténuer avec charme l'état désespéré des modèles, laissés dans la poussière qui les recouvre depuis 60 ans.
L'ambiance hésite entre recueillement et ressentiment devant ce trésor perdu.

Aussi, le lendemain, c'est une vente superbe qui s'annonce : ouverte par un brillant discours du responsable des ventes automobiles, les enchères sont relancées avec brio, "Voilà une possible gagnante à Pebble Beach", "Voilà la voiture d'Alain Delon"... Les chiffres volent, les téléphones en direct de l'étranger s'affolent, et la vente double son estimation initiale, au grand regret des fanatiques, qui jugent les prix surestimés pour ces vestiges presque inexploitables.

Les restaurations coûteront des millions, juge-t-on. Les voitures ainsi réparées n'auront plus aucune authenticité, car presque tout est à jeter, insistent les historiens. Mais la vente est un succès fou, les étrangers s'y sont pressés, et la belle Ferrari, celle de Delon, part chez un architecte Suisse pour une somme qui tutoie les sommets. Le lendemain, la presse la photographie une dernière fois, poussée doucement dans un camion, toujours empoussiérée, le dos portant encore un ballot de journaux "pour la photo."

Les collectionneurs, rentrés chez eux, attendent que les restes vaillants de ces belles mortes réapparaissent de compétition en compétition, les acheteurs heureux appellent leurs restaurateurs pour des devis pharaoniques. Le commissaire-priseur, satisfait, se met en quête d'un autre événement.

C'est à partir de rien qu'on construit les histoires.


Consultés pour cet article :
L'AFP, les vidéos POA avec Monsieur Paul l'expert distingué, le site Caradisiac, la Nouvelle République, Le blog En Voiture du Parisien, The old Motor ...

lundi 9 mars 2015

Lien : le B.A. BA du remixage de garde-robe

Chère Laurence,

Il est bien tard et je n'ai encore rien posté aujourd'hui, alors voici juste un petit lien qui parle encore de mode.
J'ai découvert Putting Me Together pas plus tard que tout à l'heure et j'ai passé un bon moment à lire sa série "Building a Remixable Wardrobe" que j'ai trouvée tout à fait intéressante.
Du coup, j'ai passé le reste de la soirée à faire des tests et à peaufiner ma capsule de printemps (qui est en cours de préparation... Je t'en reparlerais sûrement bientôt). En bref : je crois qu'il me faut plus de ceintures. Enfin peut-être une ou deux pour tester des trucs. Et je crois que je vais passer le reste de la nuit à épingler des trucs sur Pinterest...

Bonne lecture et bonne nuit !
- Aurélie

vendredi 6 mars 2015

Créer son "uniforme"

Chère Laurence,

Merci pour ton article d'hier, je vais m'amuser à faire gigoter mes zygomatiques. Et Gustavette est super chouette.

Aujourd'hui, restons dans la superficialité, avec un blog mode que j'ai récemment découvert.
Tu te souviens bien sûr de l'histoire de la garde-robe capsule ? Et bien, Into Mind va plus loin que le minimalisme pour ajouter au concept de la capsule celui de notre style personnel. Je sais que tu vas l'adorer.
J'ai passé un sacré moment à lire tout un tas d'article, alors je te passe mon préféré : un article en deux parties sur la création d'un "uniforme" (ou signature look).
La première partie explique de quoi il s'agit ; la deuxième nous montre pas-à-pas comment créer le notre. Cet uniforme va ensuite beaucoup t'aider à construire une capsule efficace.

Bon, tu imagines bien que je me suis amusée à tester l'idée. Du coup, lundi, au lieu de bosser sur mes autres projets, j'ai passé trois heures sur Pinterest à épingler à tour de bras de jolis modèles en "plus size". Et encore un peu plus à me triturer les méninges pour organiser mes idées en proprotions, couleurs, etc.
Du coup, voilà, je te donne en avant première mon uniforme de printemps...

Le dessin c'est pas vraiment mon truc. Tu apprécieras l'effort !
Bon, ben y a plus qu'à ressortir toutes mes affaires et trier ce qui pourrait bien aller avec ça. Et repartir faire du shopping. :)

- Aurélie


jeudi 5 mars 2015

Poétique de la musculation faciale

Ma chère Aurélie,

Il est temps d'aborder cet article improbable, qui va encore réduire ma crédibilité à néant (non pas qu'elle aie déjà tutoyé le high score, mais j'avais quelques restes d'illusions...)
Cependant, on me l'a demandé, cet article, alors approche ta tasse fumante de thé citronné, et commençons.

Je pensais d'abord commencer par un truc fancy et poétique pour te dire que rien n'est plus beau que les marques que la vie laisse sur nos corps, parce qu'ils sont la preuve que l'on mûrit et que l'on apprend (il y en avait encore 20 lignes comme ça et je me suis dit, mais qu'est-ce que c'est prétentieux et qu'est-ce que c'est vain, alors je te les épargne).

Vite fait comme ça entre deux portes, ma transition vers le corps de l'article, c'est que notre visage plus que tout est le "miroir de l'âme", et que comme le disait Balzac (qui lui aussi avait un petit talent dans le pissage de copie), "la physionomie des femmes ne commence qu'à trente ans."
Bien sûr, c'est très beau de se dire que notre mine dit à tous ce qui nous arrive, ce qui nous est arrivé et ce que nous sommes, et que finalement les beaux visages lisses des ados ne sont qu'un bloc de marbre que le sculpteur n'a pas encore travaillé pour en faire une oeuvre d'art.


Mais bien sûr, on ne l'accepte pas aussi agréablement, parce que nous, les cernes qui ne disparraissent plus aussi facilement, les rides du rire qui se creuse et tutti quanti, des fois, ça nous les brise un peu, et qu'on voudrait juste avoir l'air en forme, pour changer.

C'est là qu'intervient la musculation faciale, et que débute le n'importe quoi, bien loin de toutes ces belles considérations (et là, on ne dirait pas, mais je viens de nous sauver de plombes de lecture ennuyeuse).
Parce qu'on entretient bien les muscles de notre corps, non ? Et notre visage a 60 muscles qu'on utilise quasiment en permanence, mais qu'on ne relaxe jamais, qu'on entretient jamais.
Or, les faire travailler de manière consciente, peut aider à paraître en meilleure forme (ou un peu plus réveillée le matin, et c'est déjà un bon objectif).

Oui, j'ai l'air d'un gourou (mais au moins c'est fun, et si tu tiens le choc, il y a des dessins d'ici quelques lignes).
Tu sais, cette histoire de musculation faciale, je la pratique avec plus ou moins de constance depuis 2010, et je vois bien la différence entre les périodes où je pratique et celles où je ne le fais pas.
Et pour moi, il y a vraiment une question de confort, dans la mesure où la petite anxieuse que je suis fige son visage une bonne partie de la journée, et qu'à force, ça fait un peu mal. Du coup, la sensation de détente après quelques exercices est plus que bienvenue.

En gros, muscler les muscles de son visage, c'est l'affaire de quelques minutes, tous les matins.
Les nombreuses méthodes qui existent travaillent en général par zone : les muscles autour de la bouche, le milieu du visage, les yeux, le front, l'ensemble de la face.

Et à ce stade de mon article, sautons aux choses sérieuses, que tu puisses t'amuser devant ton miroir (ces merveilleux dessins Paint sont mon oeuvre, et je baptise arbitrairement mon modèle Gustavette) :


Bouche pulpeuse :
tendre les lèvres en baiser (comme Marilyn Monroe...) en les serrant très fort vers le centre, et le plus loin possible. Si fort qu'on sent qu'on pince le nez. Watch Gustavette :



Joues moins tombantes :
faire un grand sourire en remontant tant que possible les coins de la bouche en diagonale, vers le coin des yeux. Tu dois sentir tes joue remonter sous les yeux un peu. Comme Gustavette, qui fait décidément un peu peur, te le montre :

Effacer quelques cernes :
plisser les yeux comme s'il faisait grand soleil, en faisant bien attention de plisser le bas de l’œil vers le haut (c'est ce qui doit travailler). Gustavette, mon petit loup (elle se drogue, j'en suis sûre) :

Voilà quelques exercices faciles à essayer pour t'amuser (oui, Gustavette, c'est fini, tu peux retourner au Pays des Paints frauduleux qui piquent les yeux), et si le sujet t'intéresse, tu trouveras des méthodes plus complètes dans les ouvrages suivants :

Gymnastique faciale / Catherine Pez, éditions de l'Homme, 2014.
Celui que j'ai chez moi (dans une édition précédente et toute éraflée).

Gym faciale : prenez votre visage en main / Zoé Kertesz. Guy Trédaniel, 2008
En version cartes, pour pouvoir s'amuser aussi dans le métro, en week-end, à la piscine...

Voilà !
J'ai bien conscience que cet article passe un peu les bornes des limites en matière de bizarre, mais qui ne tente rien n'a rien, et je me réjouis à l'idée que peut-être tu essayeras, au moins pour me dire ce que tu en auras pensé.

Des bises.

mardi 3 mars 2015

Le lien du mardi : Blogs de design graphique autour du livre

Chère Aurélie,
tout d'abord, merci pour ton article d'hier. Comme je te l'ai écrit ailleurs, je voudrais avoir le temps de réfléchir à la question avant de te répondre. En tout cas, sache que tu es par tes activités sportives audacieuses une perpétuelle source d'admiration pour moi, à qui la plongée fait peur, et pour qui l'aviron pratiqué à ce niveau semble au-dessus des capacités physiques.

Pour le lien d'aujourd'hui, je te propose de nous immerger dans le monde des bloggers littéraires. D'habitude, ils parlent du contenu des livres. Mais, depuis un ou deux ans, de plus en plus d'auteurs de blogs s'intéressent à l'aspect physique de la couverture et du corps de l'ouvrage.



C'est tout d'abord une tendance purement Anglo-Saxonne, qui puise dans la tradition d'édition bien plus colorée et excentrique que l'édition française, mais quelques blogs français existent également.
Et ça tombe bien. Nombreux sont les lecteurs qui décident leurs choix de lecture en fonction des couvertures, alors que le design des livres est de plus en plus recherché. Il est loin le temps où l'on vendait un livre sur son auteur seulement : désormais, et de plus en plus, on crédite son illustrateur, bien sûr, mais également le maquettiste, le typographe... Voici quelques sites pour repérer de très belles réalisations.

The Casual Optimist

Rédigé par Dan Wagstaff, ancien libraire, qui a connu différents postes dans la chaîne du livre, Th Casual Optimist est l'un des meilleurs sites sur le design des livres. Son auteur a un vrai talent pour sélectionner les couvertures les plus belles, les plus étonnantes, et de décrypter les tendances en matière de graphisme. Son best of international, en fin de chaque année, est toujours très attendu, et particulièrement intéressant.

Book by its cover

Le magnifique Book by its cover est à l'origine le projet de l'illustratrice Julia Rothman, vite rejointe par une vingtaine d'auteurs, tous passionnés par les livres. La sélection de livres présentés est très impressionante, et les articles s'intéressent à tous types d'ouvrages, y compris issus de très petites maisons d'édition indépendantes.

Booketing

Rédigé par le designer graphique Clément Buée, Booketing est en quelques sortes le versant français de The Casual Optimist, avec un axe résolument moderne et souvent minimaliste.

Collectif Carré Cousu Collé

Ce collectif nantais, fruit d'une association loi de 1901, n'a pour l'instant d'existence numérique que sur Facebook et Twitter. Il rassemble des fanatiques du livre, et mène une veille passionnée autour de l'actualité du graphisme et de l'édition, tout en organisant à Nantes des rencontres et des expositions avec des designers de talent.

Et hop, allons voir de beaux livres !

lundi 2 mars 2015

Mon gras, le sport et moi

Chère Laurence,

J'ai failli poster ce lien la semaine dernière, mais j'ai décidé que non : j'avais besoin d'espace pour penser et t'écrire tout ce qu'il m'inspire, pour te dire à quel point je comprends.
Va donc le lire, je t'attends.

Comme l'auteure, j'ai l'impression d'être perdue dans ce no man's land des attentes sociétales. Je suis, grasse, mais j'aime courir, nager, grimper, faire bouger ce corps qui est le mien.
On veut nous faire croire que gras et sports sont antithétiques, alors qu'il n'y a aucun lien. On peut être maigre et ne pas passer son temps à la salle de gym. On peut être grasse et être amoureuse de son rameur. Et toutes les nuances possibles entre les deux.
Sauf que ce n'est pas ce qu'on nous dit. On ne nous dit pas qu'on peut faire du sport pour le plaisir. On doit forcément faire du sport pour "être en forme", pour "garder la ligne", et, si l'on ne correspond pas au body type en vigueur, pour perdre du poids.

Du coup, j'ai toujours l'impression qu'on me regarde d'un œil suspect ou compatissant. Quand je cours la Parisienne ou l'Odyssea, les encouragements du public me semblent toujours teintés de pitié. Vas-y, tu peux le faire, tu vaincras contre ton gras.
Sauf que je ne veux pas vaincre. Je ne pense pas qu'il me soit nécessaire de vaincre quoi que ce soit. Mon gras, c'est aussi moi, et j'ai appris à l'accepter, le respecter et l'aimer comme le reste de mon corps. Même si ça n'a pas toujours été facile.

Alors c'est la colère - non, la rage - qui m'envahit quand le monde qui nous entoure me fait comprendre qu'il considère mon gras comme un problème, comme un ennemi à vaincre, comme un barbare sans droit de cité.
Je ne cours pas pour me punir d'avoir mangé deux pancakes ou une énorme raclette. Je cours parce que ça me donne l'impression d'être superwoman. Parce que j'aime ça.
Et j'enrage quand la société toute entière refuse de me croire, ne me donne même pas le bénéfice du doute, et suppose que je fais du sport pour vaincre mon "problème" de poids.

Et j'enrage plus encore quand on me fait comprendre que je ne mérite pas de faire les sports que j'aime : il faudrait que je règle mon "problème" d'abord à coup de régimes dangereux, de sueur, et de larmes.

Le problème, c'est quand dans un club de plongée, il n'y a pas de combinaison à ma taille.
Le problème, ce sont les ampoules sur mes doigts alors que j'essaie de faire remonter le néoprène de la combinaison sur le gras de mes cuisses.
Le problème, ce sont les trois gars qui tirent sur mes bras à m'en démonter l'épaule pour faire passer mes ailes de batman.
Le problème, c'est que je ne retournerais pas dans ce club où tout le monde se voulait si gentil et aidant.
Le problème, c'est que j'angoisse à l'idée de ce qui se passera lors de ma prochaine plongée, ici ou ailleurs : pourrais-je rentrer dans une combinaison ? Cela prendra-t-il une heure de bataille ? Finira-t-on par me dire que non, ce n'est pas possible, il faudra y aller en maillot de bain ma petite dame ? Ou que ce n'est pas possible du tout et que je ne pourrais pas plonger ?
Le problème, c'est que tout mon être désire retourner sous l'eau, explorer des épaves, observer les poissons, respirer de l'air comprimé dans le silence de la mer et faire des bulles.

Le problème, c'est que cette année, il n'y avait pas de pantalon de ski à ma taille au rayon femmes du Décathlon d'Annecy.
Le problème, c'est que leur taille la plus grande, un 46/48, taillait comme un 42.
Le problème, c'est que skier et l'un de mes plus grands plaisirs.
Le problème, c'est que j'en rêve la nuit.

Le problème, c'est que, dans le club d'aviron que je fréquentais, les entraînements débutants se faisaient en groupe, sur de grands bateaux, avec pour objectif de nous faire rentrer dans l'une de leurs équipes de compétition amateure.
Le problème, c'est que ma technique est excellente quand je peux aller à mon rythme.
Le problème, c'est que je m'épuise facilement.
Le problème, c'est qu'après avoir ramé vingt minutes à une allure que les autres trouvent lente, je me fatigue, je m'essouffle, et ma technique passe par la fenêtre.
Le problème, c'est que le barreur doit faire arrêter tout le monde pour me dire de faire attention à la façon dont je tiens mon aviron.
Le problème, c'est qu'il faut qu'on s'arrête pour moi encore et encore.

Le problème, c'est que je suis le maillon faible.
Le problème, c'est que pendant les deux heures de trains qui me mènent jusqu'à la Tamise, j'angoisse à l'idée d'emmerder tout le monde encore une fois.
Le problème, c'est que je n'y vais plus.
Le problème, c'est que mon cœur se serre à chaque fois que je passe près d'un plan d'eau.
Le problème, c'est que j'adore ramer, me propulser sur l'eau claire à la force de mes bras. À mon rythme.

Le problème, c'est que dans tous ces cas, j'ai l'impression que la société me hurle que, non, je ne mérite pas de faire ce que j'aime.
Le problème, c'est que j'ai l'impression qu'on me punit car mon corps ne leur convient pas.
Le problème, c'est que je refuse d'abandonner.
Le problème, c'est que je vais lécher mes blessures, faire un break, et retourner à l'attaque quand j'en aurais de nouveau le courage.
Le problème, c'est que c'est mon problème à moi et que je voudrais que ce soit le problème de tous.
Le problème, c'est que je voudrais que mon corps soit pris en compte comme un corps valide, comme un corps capable, comme un corps en vie.
Le problème, c'est que j'ai besoin de vêtements à ma taille, de programmes non compétitifs, d'entraîneurs compréhensifs et respectueux.

Le problème, c'est que j'en ai marre d'avoir à me battre.

Le problème, c'est que ce n'est pas mon corps le problème.

- Aurélie