jeudi 26 février 2015

"Je ne me fais pas de souci pour toi"

Ma chère Aurélie,

Aujourd'hui j'avais envie de te faire partager cette phrase qu'on te répète réguliérement quand il t'arrive d'être un peu chifoumi, et que tu t'inquiètes sur pleins de sujets variés.
J'ai quelques amis qui se sont retrouvés dans cette situation, et ils ont tous vécu la même chose, d'où mon intérêt.
Quand tu te fais du souci, et que tu discutes avec un ami ou de la famille pour te rassurer, arrive un moment dans la conversation où ton interlocuteur te dit : "Enfin, quoiqu'il en soit, je ne me fais pas de souci pour toi."

Et là, si tu es un temps soit peu déprimé, au point que tout ce que tu voudrais c'est un gros câlin, un moment devant un chocolat chaud et l'assurance que tout va bien se passer, un peu comme quand tu étais petit enfant, tu ne peux pas t'en empêcher : tu fulmines un peu, et tu as très envie de pester "Et bin si ! Fais-toi en du souci, si tu tiens à moi ! Moi, je m'en fais!"

Sauf que.
Déconstruisons un peu cette phrase : en vrai, qu'est-ce qu'on veut dire, quand on dit à quelqu'un "Je ne me fais pas de souci pour toi" ?
Qu'on ne tient pas à lui ?
Qu'on s'en fout de ses problèmes et qu'à tout prendre, on préfère retourner à nos mots croisés ?

Non non non.
Le genre de personnes à s'attirer cette remarque sont précisément des gens intelligents, qui ont envie de s'aventurer dans la vie, et qui sont un peu inquiets devant la masse de potentialités négatives que contiennent leurs aventures. Ils se disent beaucoup "Et si ça ne marchait pas... Et si tout allait mal... Et si je ratais..."
Sauf que le fait de s'interroger sous-entend certes un manque de confiance en soi, mais aussi une certaine intelligence.
Dire "Je ne me fais pas de souci pour toi", c'est reconnaître cela : moi, en tant que personne censée, je sais que tu es capable de mener à bien ce que tu vas entreprendre, ou de rebondir si tu rates.
Fais-moi confiance, tu en es capable.
C'est donc plutôt un compliment, voire un encouragement.

Il y a même plus.
Les gens qui s'attirent cette phrase sont des petits inquiets, de nature.
Si, à un moment, on ne les arrête pas, ils sont capable de monter un grand roman sur leurs inquiétudes, et de déprimer plus qu'il ne faudrait, et même ne pas agir du tout.
Finalement, ce moment où on lance le fameux JNMFPSPT, c'est un appel concis au Carpe Diem romain, un "hé, ho, on arrête là, tu agis, et tout se passera bien."
C'est un rappel de la réalité : alors qu'on se voit à la loupe, avec tous nos petits défauts, avec toutes nos erreurs et notre histoire, l'autre, qui nous cite cette phrase magique, nous perçoit tout autrement.
Il voit notre enthousiasme, notre intelligence, nos qualités réélles. Il sait, lui, que si on s'efforce de notre mieux, tout va très bien se passer.
Alors, au lieu de fulminer en voulant notre câlin régressif, peut-être que nous devrions juste savourer cette phrase, et faire confiance au jugement de notre interlocuteur; nous saisir de ce "Je ne me fais pas de souci pour toi", et nous aussi, arrêter de nous en faire et agir.


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